ELIR 2 | 2019
NOUVELLES PERSPECTIVES
EN LINGUISTIQUE IBÉRO-ROMANE
José Vicente Lozano (éd.)
Première édition: Rouen, Publications électroniques de l'Eriac – LIbeRo, 2019
CD-Rom: pdf 437 p. 24x16 cm.
ISBN : 978-2-919501-06-9
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Avant-propos
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José VICENTE LOZANO
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ERIAC, Université de Rouen, Normandie Université | |
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100 ans après la publication du Cours de linguistique générale, qui a tant contribué à la consolidation des sciences du langage, en général, et des différents courants et sous-disciplines, qui vont se forger au cours du XXe siècle, nous proposons ici un ensemble d’articles récents, dans le domaine de l’étude des langues et dialectes ibéro-romans. Cependant, on est désormais bien loin du repli sur soi prôné initialement par les écoles linguistiques qui ont battu leur plein, principalement en Europe et aux États-Unis, depuis les années 1940 (par exemple : le distributionnalisme, la pragmatique, le générativisme, le structuralisme, la philosophie du langage, la psycho-mécanique du langage, la théorie de l’énonciation et tous leurs courants dérivés). Sous des angles divers, les articles de ce volume leur sont en partie redevables, mais ils reflètent tout aussi bien la grande diversité de nos approches et de nos objets d’étude que leur entrecroisement, ainsi que les innovations méthodologiques souvent partagées, telles que le recours incontournable aux nouvelles technologies, dans l’exploitation des corpus ou dans le traitement des données recueillies. Quelques-uns de ces travaux reflètent également le caractère collectif des recherches en linguistique, qui sont le fruit de collaborations internationales ou d’échanges scientifiques fluides, dont les publications font état de toute sorte d’avancées, permettant d’apporter des regards novateurs sur des problèmes linguistiques dont le traitement était relativement insatisfaisant ou qui étaient tout simplement ignorés par les courants linguistiques qui avaient pignon sur rue au siècle précédent. |
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Parmi les sources bibliographiques de ce volume, on trouvera, entre autres, des ouvrages pionniers de l’École de Philologie et de ses disciples, en Espagne (Corominas, Lapesa, Navarro Tomás), ou du groupe MoLaChe, en France (Molho, Launay, Chevalier), même si les articles concernés s’inscrivent dans des domaines relativement vastes, qui étaient méconnus ou peu fréquentés (diasystématique, didactique, historiographie linguistique, linguistique contrastive, traductologie). Ils adoptent, également, des démarches non moins novatrices que spécialisées (intercompréhension romane, linguistique du signifiant, méthode idiolectale, théories de la grammaticalisation). Aussi, les Sciences du langage font toujours appel à de nouveaux métatermes et aux concepts sous-jacents, dans le but de mieux rendre compte des innovations épistémologiques nécessaires pour analyser de façon beaucoup plus pertinente et adéquate le matériau linguistique, un matériau qui est de nos jours beaucoup plus divers et varié qu’au siècle dernier. D’autre part, les pionniers de la linguistique contemporaine ont élaboré des concepts clés qui étaient déjà préfigurés dans des travaux antérieurs à la publication du Cours attribué à Ferdinand de Saussure, en commençant par la notion de « système » : « L’étude des langues étrangères a toujours été faite au point de vue de deux systèmes, qui, bien que distincts en apparence, devraient pourtant être inséparables l’un de l’autre » (Préface de Lopes 1873, citée par García Aranda, dans ce volume, voir p. 227). |
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Le volume est organisé en quatre parties thématiques. Cependant, à la lecture des articles insérés dans l’une ou l’autre de ces parties, on pourra constater de nombreux points de convergence sur des aspects méthodologiques et épistémologiques. |
I. Regards croisés sur des questions morphosyntaxiques et sémantiques |
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4 | Le principe de l’unicité du signe linguistique est fondé sur le caractère indissoluble du signifiant et du signifié. Ce principe est explicitement repris dans le cadre de la linguistique du signifiant, dans les pas de Gustave Guillaume et les linguistes hispanistes de filiation guillaumienne (Delport, groupe MoLaChe). On peut le rapprocher du principe de l’invariance, cher à l’angliciste Antoine Culioli, ce qui permet de révéler les convergences entre deux approches pratiquées par des linguistes français spécialistes de langues étrangères, telles que la psychomécanique et la théorie des opérations énonciatives. Nonobstant, ce principe homologue pointe également dans des travaux qui adoptent d’autres perspectives dans ce volume : c’est ainsi que, dans une approche cognitive, Gibert Sotelo conclut dans son article que les verbes espagnols comportant le préfixe des- marquent toujours l’aspect égressif, qui serait donc noué au signifiant des-. |
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Le caractère indissociable du signifiant et du signifié est bel et bien établi dans le cours publié par les disciples de Saussure (1916 : 98-99), même si le célèbre graphique du Cours peut induire en erreur (Rastier 2015 : 114) : il représente une ellipse coupée en deux par une ligne continue, d’où une interprétation inadéquate, mais très répandue, dissociant le signifiant et le signifié ; au point que Meschonnic, dans le signe « au sens linguistique », ne voit que du discontinu entre le signifiant et le signifié (Meschonnic 2007 : 22). Pourtant, Saussure l’indique clairement dans le manuscrit découvert en 1999 et commenté par Rastier (2015 : 113-114) : Saussure met fin au dualisme entre le sensible et l’intelligible par sa théorie de l’unité linguistique. [...] la théorie saussurienne de la ‘forme-sens’ reconnaît une dualité non-antinomique entre les deux niveaux : « Il est aussi vain de vouloir considérer l’idée hors du signe que le signe hors de l’idée » (ELG : 44). |
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Rien d’étonnant alors que, dans les articles de la première partie de ce volume, on étudie des aspects morphosyntaxiques et sémantiques. En fin de compte, la prétendue distinction et séparation entre la forme et le sens repose sur des points de vue qui doivent converger vers un traitement unitaire du signe linguistique, qui correspond dans notre métalangage espagnol à un significando : « un significante que está significando », car il ne peut en être autrement (Vicente Lozano 2013 : 177). |
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C’est ainsi que, après avoir dénoncé épistémologiquement l’imprécision et l’opacité des termes explétif / expletivo dans le métalangage de la tradition grammaticale française ou espagnole et de la NGLE (ouvrage passé au peigne fin grâce à l’outil de consultation lexicométrique qui est fourni sur le site de la RAE), Pagès démontre dans son article que les éléments explétifs espagnols qu’il étudie ne peuvent pas être tenus pour des « signifiants ayant un signifié vide ou secondaire ». D’ailleurs, il en est de même pour le ne dit « explétif » en français, dont la vacuité sémantique est contestée par Vázquez Molina (2002). Enfin, en s’appuyant sur les apports de la linguistique du signifiant et de la cognématique de Bottineau (2010), l’auteur mettra en lumière le fonctionnement énonciatif de quelques-uns de ces éléments explétifs de l’espagnol, dont si et no, par exemple, dans la confrontation de apenas et de apenas si, ainsi que de por poco et por poco no. |
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De son côté, Rodríguez Ramalle aborde une autre distinction signifiante : la conjonction mientras vs. la locution conjonctive mientras que. L’auteure exploite cette fois-ci les données obtenues du corpus CREA. Dans un premier temps, en suivant Pavón (2003, 2010, 2012 et 2013), elle cherche à dévoiler les critères permettant de caractériser les adverbes et les conjonctions. Ensuite, elle se penche sur la valeur anaphorique de la conjonction que introduite par des adverbes ou des prépositions (Barra Jover 2002), mais aussi par d’autres conjonctions telles que mientras. Malgré l’apparente synonymie de quelques énoncés où mientras et mientras que peuvent permuter, la conjonction que ne peut pas être tenue comme élément explétif, en faisant écho à l’article de Pagès. Rodríguez Ramalle constate la diversité des effets de sens de la locution mientras que (temporel, comparatif, contrastif) et de la conjonction mientras (temporel, conditionnel). Ces effets de sens reflètent la diversité des contextes et des situations, en interaction avec des patrons lexico-syntaxiques plus ou moins récurrents suivant les cas. Les signifiés unitaires de mientras et de que interagissent, à leur tour, dans le fonctionnement de la locution conjonctive, en parfait accord avec le principe de l’unicité du signe linguistique. |
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Cunha, Silvano et Leal exploitent dans leur article le corpus électronique du journal Público, pour étudier les emplois et les effets de sens de tanto(-a)(s) en portugais européen ; ils avancent l’hypothèse qu’il s’agit d’un opérateur de quantification qui peut porter aussi bien sur des individus que sur des situations ; il indique une quantification existentielle que l’on pourrait paraphraser par « quantité indéterminée de X ». Les lectures multiples du portugais seraient donc réduites à une seule et même signification de base, selon les trois auteurs. On serait tenté d’établir des rapprochements avec ce qui arrive en espagnol à leur cognat tanto(-a)(s), servant à exprimer une quantification de X dont la « complétude saturée » s’accorde avec le recours au cognème ( T ), en position initiale (Vicente 2010 : 177) ; et en même temps, la suite NT contribue au marquage de l’indétermination de la quantification (Fortineau-Brémond 2017 : 10-11). |
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Dans le dernier article de la première partie du volume, Elena Gaspar inclut des exemples fournis par le CREA, mais aussi par des œuvres littéraires constituant son corpus complémentaire. L’article traite de l’interaction entre l’aspect lexical signifié par le radical du verbe et les compléments adverbiaux de temps, qui sont incidents au verbe concerné. À partir des huit classes événementielles établies par De Miguel et Lagunilla (2000), basées sur les catégories aspectuelles de Vendler (1967), l’auteure fait état des différentes lectures événementielles qui, en espagnol, peuvent découler de l’emploi de deux temps imperfectifs (le présent et l’imparfait) ou de la périphrase cursive estar + -ndo. Ses analyses permettront de dégager des contraintes syntaxico-sémantiques liées à l’aspect lexical du verbe et à l’ordre des mots choisi dans l’énoncé. |
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Au niveau épistémologique, il faut reconnaître l’apport majeur, de Labov, étant l’un des premiers linguistes à s’intéresser à la variation linguistique, même si ses premiers travaux se limitent à l’étude de la variation sociolectale de l’anglais néo-yorquais, dans une approche exclusivement sociolinguistique. De nos jours, on ne peut pas réduire l’étude de la variation linguistique au variationnisme sociolangagier qui, dans le monde anglo-saxon, s’opposait frontalement au fixisme et à l’essentialisme formaliste des grammaires génératives ou dérivées. En effet, la variation linguistique attire actuellement l’attention de nombreux linguistes inscrits dans les cadres théoriques les plus divers. Le recours à la notion de diasystème devient un élément commun que l’on retrouve dans l’approche de la variation qui est faite par différents chercheurs contemporains. L’emploi du terme diasystème était initialement réservé à la description de la variation dialectale (Weinreich 1954: 390, Alarcos Llorach 1965 : 31 et 35). Cependant, ce métaterme renvoie à un ensemble hétérogène de systèmes linguistiques parta¬geant de nombreuses caractéristiques. Ces systèmes différents sont aussi liés à la même langue historique (Coseriu 1958: 56). Entre les éléments qui font partie d’un système linguistique, le linguiste ou les locuteurs établissent des rapports distinctifs : pour Saussure « dans la langue il n’y a que des différences » (1916 : 166), c’est sur quoi repose le caractère discret de toute unité linguistique. Alors que, dans la confrontation d’éléments appartenant à des systèmes qui relèvent d’un même diasystème, les rapports établis peuvent être de nature analogique et non distinctive. Par conséquent, l’approche diasystématique peut être appliquée à des systèmes synchrones, pour traiter de la variation diastratique, diaphasique ou diatopique. Mais elle peut aussi être appliquée à des systèmes correspondant à des chronolectes plus ou moins éloignés dans le temps, en diachronie – une diachronie somme toute relative, car c’est à ce niveau-là que l’on peut aussi confronter la variation intergénérationnelle, dans une approche systé-mique évolutive et non seulement sociolangagière. |
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Dans le premier article de la deuxième partie, l’article de Vicente Lozano s’inscrit pleinement dans une démarche diasystématique. Il aborde l’étude de l’oralité, en synchronie, à partir de dialexies, de diagrammèmes, d’anthroponymes et de maledicta attestés dans les répliques de plusieurs séries TV hispaniques (Colombie, Espagne, États-Unis), basées sur un roman colombien à succès. Pour mener à bien cette étude sont aussi confrontés des exemples extraits du corpus CREA et de plusieurs dictionnaires dialectaux. |
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Les travaux de Gibert Sotelo et de Moncó Taracena portent sur deux monèmes dérivationnels : des- et -iza, respectivement en espagnol général et mexicain. Les deux auteures remontent aux origines latines de ces affixes, en appliquant une perspective diasystématique, cette fois-ci en diachronie. Elles s’intéressent aux processus de réanalyse grammatical ou lexical, dans la confrontation des emplois anciens et contemporains de ces affixes et d’autres affixes constituant des parasynonymes ou des antonymes, suivant la variété dialectale ou chronolectale concernée. Elles font état de la littérature lexicologique ou lexicographique ; par ailleurs, Gibert Sotelo exploite les corpus de l’Académie Espagnole, alors que Moncó Taracena se sert plutôt des corpus de l’Académie Mexicaine et du Collège de México, mais comme le fait Elena Gaspar, dans son article de la première partie, elle va aussi utiliser un corpus littéraire, établi pour mieux cibler la recherche, en quête d’exemples plus pertinents. Enfin, il convient de noter que, dans le cadre de la sémantique cognitive de Talmy (1991, 2000), Gibert Sotelo défend l’hypothèse d’un changement de cadrage à l’œuvre en diachronie et qui a impacté le traitement des préfixes hérités du latin (de- / dis- > des-, en espagnol) : on passe du cadrage satellitaire, attesté dans une langue telle que le latin, au cadrage verbal, constaté dans les langues romanes, dont l’espagnol. |
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D’après Dubois et al. (2001 : 286) « c’est au sein du courant de la grammaire historique et comparée (1816-1870) que naît le concept de linguistique ». Le Cours édité par les disciples de Saussure sera donc ultérieur, mais Saussure a été lui-même formé dans le cadre de la grammaire comparée et a produit deux œuvres fondamentales de son temps (1879, 1881), qui tomberont dans l’oubli par la suite, à cause de l’attention accordée à son Cours posthume, dès la première moitié du XXe siècle. Toutefois, dès la seconde moitié du siècle se met en place la linguistique contrastive, à la suite de travaux tels que ceux de Lado (1957) et de Vinay et Dalbernet (1958), dans des domaines comme la didactique des langues et la traductologie. D’après Crystal (2008 : 112) les analyses contrastives ne sont envisageables que dans des études de linguistique synchronique, par opposition aux études diachroniques de la grammaire historique et comparée. Cependant rien n’empêche de considérer la diachronie au sens large, permettant de confronter des chronolectes contemporains et des chronolectes plus anciens d’un même diasystème, comme le font Piedehierro et Álvarez-Ejzenberg dans leur contribution à cet ouvrage. Les analyses contrastives ont aussi leur place dans le cadre de la théorie de la grammaticalisation ou de la linguistique du signifiant, déjà abordées dans les travaux des deux premières parties du volume. |
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Weber commence la troisième partie par une étude traductologique des systèmes prépositionnels espagnol et français, en s’inscrivant aussi dans le cadre de la linguistique du signifiant, adoptée par Chevalier et Delport. L’auteure traite plus précisément des traductions françaises de la préposition espagnole con, dans l’un ou l’autre de ses 9 emplois orthonymiques. À partir d’un corpus de 7 romans de 4 pays hispanophones, sont extraits 72 énoncés servant à démontrer l’irréductibilité des prépositions con et avec : le plus souvent les traducteurs français ont choisi l’étoffement du contenu exprimé dans la langue source au lieu de le traduire par un groupe prépositionnel. |
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Exceptionnellement, en faisant fi de la signifiance d’un trait suprasegmental, Hernández et Dorta présentent un travail contrastif de phonétique articulatoire et perceptive, inscrit dans le projet international AMPER (Atlas multimédia prosodique de l’espace roman), coordonné par l’Université de Grenoble 3. Les auteures visent à vérifier les points convergents et divergents des schémas accentuels dans deux variétés de deux diasystèmes romans : l’espagnol des Îles Canaries et le français de Marseille. Les tests ont été effectués à partir d’analyses menées sur des énoncés de chacun de ces dialectes et les données ont été traitées avec le programme Matlab. Omnès (2000 : 132) a souligné la préférence de l’accentuation sur l’avant-dernière syllabe en espagnol général : « 75 % des mots comportant un lexème », mais dans l’article d’Hernández et Dorta, on constate aussi la fréquence de l’accentuation paroxytone en français méridional. Cependant, même dans d’autres régiolectes français ce schéma accentuel reste possible si le schwa final est articulé (par exemple dans la prononciation – souvent marquée sociolectalement ou diaphasiquement – du pragmatème Bonjour !). |
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D’un point de vue également contrastif, Piedehierro et Álvarez-Ejzenberg, étudient deux particules : pues (esp.) et puis (fr.). Elles abordent des problèmes morpho-phonologiques, morphosyntaxiques, sémantiques et pragmatiques concernant les allomorphes des deux particules, attestés au Moyen-Âge, ainsi que leur étymon, en latin vulgaire. Malgré cette origine commune, le pues espagnol est devenu pragmatiquement un organisateur de la structure dialogique de l’énonciation, tandis que le puis français conserve la fonction première de leur étymon en tant que coordonnant narratif d’énoncés. |
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Dans le croisement des domaines de l’historiographie linguistique et de la didactique des langues, García Aranda étudie les observations et les descriptions métalinguistiques, épilinguistiques et praxéologiques insérées dans le texte et le paratexte de quelques méthodes d’apprentissage publiées au XIXe siècle, en vue de l’acquisition de la prononciation de l’espagnol et du français. Dans ces ouvrages, l’accent est mis sur les transcriptions phonétiques adaptées à la graphématique de chaque langue, mais aussi à des solutions innovantes qui seront adoptées par la suite par l’Association phonétique internationale (par exemple, l’emploi de l’apostrophe pour représenter l’accent tonique devant la syllabe concernée). |
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À l’aube du XXe siècle, Menéndez Pidal s’intéresse particulièrement au rôle joué par les facteurs internes de la langue, en diachronie. Dans le même esprit, Labrousse traite dans ce volume de l’évolution de l’allomorphisme et de la combinatoire des possessifs précédés ou non d’article dans les diasystèmes catalan et portugais, en appliquant de manière claire, rigoureuse et convaincante la méthode idiolectale de Barra Jover (2015). Sa méthode est appliquée à un corpus principal, informatisé, incluant 3 idiolectes par siècle et par langue, entre les XVIe et le XXe siècles. L’auteure se sert aussi d’un corpus complémentaire, comprenant 7 autres idiolectes catalans datant du XIXe siècle, afin de vérifier les tendances d’emploi qui semblent se dégager de l’analyse du corpus principal. Au contraire de ce qui s’est passé en espagnol, où les déterminants composites art+pos sont sortis de l’usage dans tous les dialectes, le catalan et le portugais ont conservé l’alternance art+pos+N et pos+N, même si elle est conditionnée par des restrictions co(n)textuelles et des différences dialectales au sein de chaque diasystème. |
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Pour clore la troisième partie du volume, la contribution de Benarroch fait état des avancées dans l’étude diasystématique de la reconstruction du proto-roman, axée sur des aspects phonologiques et morphosyntaxiques concernant l’évolution des langues ibériques et des divers cognats attestés dans le diasystème. Elle rend compte des résultats obtenus dans le cadre du projet international DÉRom, disponible sur le site Web de l’ATILF (CNRS, Nancy), qui contient également le dictionnaire informatisé TLFi, employé aussi dans les recherches de Piedehierro et Álvarez-Ejzenberg. Cette fois-ci, dans le domaine de la lexicologie et de l’étymologie comparées, nous consta-tons encore l’intérêt de confronter des travaux pionniers et de nouvelles approches permettant de recourir à de nouveaux concepts, comme la distinction entre l’étymologie idioromane et panromane (Buchi et Schweickard 2009 : 101). À la lumière de ces travaux, le catalan s’avère être le système le plus novateur de l’ensemble ibéro-roman, ce qui coïncide en partie avec les conclusions de l’article de Labrousse. |
IV. Linguistique appliquée. Psycholinguistique et didactique. |
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21 | En réalité, à la croisée de la linguistique appliquée et des thématiques vues dans les parties précédentes, nous avons déjà évoqué les travaux d’Hernández et Dorta, de García Aranda et de Weber, relevant respectivement de la phonétique expérimentale, de la didactique des langues ou de la traductologie. Dans cette dernière partie nous avons inclus des travaux brésiliens de linguistique appliquée mais dont les liens avec le reste du volume sont aussi importants. |
22 | Le premier article s’inscrit dans le domaine de la psycholinguistique, dans une démarche sémiotique et communicationnelle adoptée par Erbolato Melo, sur des bases épistémologiques interdisciplinaires (Sciences de l’éducation : Bruner, 1991 ; Linguistique cognitive : Veneziano & Hudelot, 2006 ; Pragmatique : Kerbrat-Orecchioni, 2005 [trad. brésilienne, 2006]). Par rapport au reste des articles, qui ne traitent que des éléments linguistiques dans l’un ou l’autre des diasystèmes étudiés, Erbolato Melo prête une attention particulière à l’interface système de représentations graphiques / système de représentations linguistiques en brésilien. L’input est une narration graphique muette, qui permet de tester la compréhension et la verbalisation d’une suite d’événements de la part de jeunes locuteurs, suivant trois protocoles distincts : lecture autonome des images, lecture encadrée par un adulte, lecture finale sans interaction avec l’adulte. |
23 | Les deux derniers articles traitent de la didactique de langue maternelle ou d’une langue étrangère (l’anglais pour apprenants lusophones). Simões et Reis de Oliveira mènent une étude praxéologique sur l’utilisation des ouvrages littéraires classiques en cours de portugais. Da Silva enquête sur l’arrière-plan nécessaire pour l’acquisition de la grammaire portugaise ou anglaise, en faisant écho aux postulats de Fries (1945 : 9) :
The most effective materials are those that are based upon a scientific description of the language to be learned, carefully compared with a parallel description of the native language of the learner. |
24 | Néanmoins, l’intérêt principal de ce dernier article réside dans la conceptualisation d’une troisième catégorie qui vient s’ajouter à la notion saussurienne de système et à la norme de Coseriu : les règles grammaticales, à visée didactique, qui se détachent de la norme du fait qu’elles ne sont pas légitimées par l’usage linguistique à proprement parler, mais par les conventions des enseignants ou des prescripteurs de la langue. Ces règles orthonymiques sont bien souvent en décalage avec le système et les productions discursives des locuteurs, comme si la langue enseignée devait s’identifier à une sorte de koinè, somme toute inexistante, car elle n’est pas partagée par la plupart des locuteurs de langue maternelle. Da Silva traite d’aspects morphosyntaxiques et lexicaux : il prend l’exemple des règles orthographiques et du vocabulaire de spécialité. Pourtant, le recours aux règles est nécessaire d’un point de vue téléologique et utilitariste. Par exemple, les règles orthographiques sont instables, mais elles facilitent l’apprentissage de l’écrit tant qu’elles sont en vigueur. Aussi, l’acquisition du vocabulaire de spécialité peut s’avérer indispensable à des fins communicationnelles, même s’il s’agit souvent d’un vocabulaire qui risque d’être plus ou moins éphémère. |
Références bibliographiques
1. ALARCOS LLORACH, Emilio, 1965 [1995] : Fonologia española, Madrid, Gredos.
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8. BUCHI, Éva, SCWEICKARD, Wolfgang (dir.), 2009 : « Romanistique et étymologie du fonds lexical héréditaire : du REW au DÉRom (Dictionnaire Étymologique Roman) ». Dans Alén Garabato, Teddy Arnavielle et Christian Camps (éds.) : La romanistique dans tous. ses états, Paris, L’Harmattan, p. 97-110.
9. CETEMPúblico, Corpus digital del diario Público. [En ligne : http://www.linguateca.pt].
10. CHEVALIER, Jean-Claude, 1996 : « De Guillaume à une linguistique du signifiant », Modèles linguistiques, 17 (1), p.77-92.
11. CHEVALIER, Jean-Claude, 2011 : Traduire à l’ancienne, Paris, Éditions hispaniques.
12. CHEVALIER, Jean-Claude, DELPORT, Marie-France, 1995 : Problèmes linguistiques de la traduction. L’horlogerie de Saint Jérôme, Paris, L’Harmattan.
13. CHEVALIER, Jean-Claude, DELPORT, Marie-France, 2010 : Jérômiades. Problèmes Linguistiques de la Traduction II, Paris, L’Harmattan.
14. CHEVALIER, Jean-Claude, LAUNAY Michel, MOLHO, Maurice, 1986 : « Pour une linguistique du signifiant », Cahiers du CRIAR, 6, Actes du 1er Colloque de linguistique hispanique, Rouen, 1985, p. 95-99.
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21. DE MIGUEL APARICIO, Elena, FERNÁNDEZ LAGUNILLA, Marina, 2003 : “Adverbios de manera e información aspectual”, Círculo de lingüística aplicada a la comunicación, 13, p. 3-12.
22. DÉRom : Voir Buchi et Schweickard 2008-.
23. DUBOIS, Jean et al., 2001 [1994] : Dictionnaire de linguistique, Paris, Larousse-Bordas.
24. ELG : Voir Saussure 2002.
25. FORTINEAU-BRÉMOND, Chrystelle, 2017 : « Corrélation et énaction : retour sur un phénomène linguistique incarné, processuel et distribué », Signifiances (Signifying), 1 (3), p. 5-24.
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27. FRIES, Charles, 1945 : Teaching and learning English as a Foreign Language, Ann Arbor, University of Michigan Press.
28. HANCIL, Sylvie, KÖNIG, Ekkehard (éds.), 2014 : Grammaticalization: Theory and Data, Amsterdam, John Benjamins.
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